
L’édito d’Alexandra Schwartzbrod
Les milliers de bénévoles déployés par différentes ONG et associations récoltent sans relâche les preuves des atrocités commises par l’armée russe, élaborant une documentation inestimable pour les tribunaux internationaux.
Dans quelques années, quand nous reviendrons à froid sur la réalité quotidienne de la guerre déclarée à l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, nous serons sans doute estomaqués et révulsés par l’ampleur et la réalité des horreurs commises durant ces longs mois dans l’est du continent alors que l’ouest de l’Europe continuait à mener une vie normale. Et c’est notamment grâce aux milliers de bénévoles déployés par différentes ONG et associations sur l’ensemble des zones visées par les forces de Vladimir Poutine que nous pourrons découvrir la somme et le détail de ce qui constitue bien des crimes de guerre. Ce n’est pas que nous les ignorons : les médias du monde entier, ou presque, documentent depuis le premier jour de l’invasion russe les bombardements, les meurtres et les viols commis par les forces russes sur la population civile ukrainienne.
Nous avons tous en tête les terribles images du massacre de Boutcha, en avril 2022, où la population civile a subi meurtres de sang-froid, tortures et viols, celles de Kherson où l’on a découvert des salles de torture. Mais précisément, il y en a tant – jeudi 5 octobre encore, plus de 50 personnes ont été tuées par une frappe russe sur un magasin d’alimentation près de Kharkiv – que les organisations internationales et les organismes publics, seuls, ne parviennent pas à tout couvrir. Sans toutes celles et tous ceux qui viennent spontanément proposer leur aide – avocats, journalistes, informaticiens, chercheurs, enseignants et bien d’autres –, de nombreuses preuves disparaîtraient, laissant les victimes et leurs familles dans une détresse décuplée par la possible impunité de leurs bourreaux. Alors que le prix Nobel de la paix doit être attribué ce vendredi 6 octobre (sauf si le comité considère qu’aucune lueur de paix ne se dégage de ce monde en surchauffe), nous avons interviewé la lauréate de l’an dernier, Oleksandra Matviichuk, qui dirige le Centre pour les libertés civiles, dont les bénévoles collectent ces preuves sans relâche. Pour elle, et pour eux, chaque crime compte.
The original post(article) was published on Libération